02 - Clochette des trépassés

Le document du mois de février 2023 est un arrêté préfectoral daté du 4 juillet 1985 conservé au sein des archives de la communes de Bourdon sous la cote BOU_804.

  • Il est donc l’occasion pour le Service intercommunal d’Archives de briser un tabou tenace présent dans l’imaginaire collectif : un document intéressant n’est pas nécessairement un document ancien et par extension, un document reconnu comme ayant une valeur historique par les archivistes, sous mandat symbolique de la société et de la République, peut n’avoir que quelques années d’existence.
  • L’arrêté préfectoral daté de 1985 ici présenté, reçu par la commune de Bourdon, fait partie de ce type de documents contemporains mais néanmoins chargé, dans un premier temps, d’une très forte valeur juridique, et dans un second temps, d’une valeur patrimoniale et historique.

 

  • Il s’agit d’un arrêté d’inscription sur l’inventaire supplémentaire à la liste des objets mobiliers classés d’une clochette dite "des trépassés", en bronze, datée de 1730.
  • Ce document nous offre donc deux jalons d’étude : la question et la procédure de classement d’un objet meuble ou immeuble à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques et l’objet en question.

Inscription et classement

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  • Il existe deux niveaux de protection au titre des monuments historiques : l'inscription et le classement. Nous sommes ici en présence d’un arrêté d’inscription, ce qui constitue le premier niveau de protection. Tout immeuble ou parti d’immeuble comme tout objet mobilier est susceptible d’être inscrit ou classé.
  • La demande de protection peut émaner du propriétaire du bien ou de toute personne y ayant intérêt notamment les services du préfet de région (Direction Régionale des Affaires Culturelles) ou du ministre de la Culture (Direction Générale des Patrimoines et de l'Architecture).
  • Les demandes sont à adresser au préfet de Région, accompagnée de la description du bien meuble ou immeuble, d’éléments relatifs à son histoire et le cas échéant à son architecture.
  • Les commissions régionale du patrimoine et de l’architecture et commission nationale du patrimoine et de l’architecture se réunissent et décident s’il y a lieu de donner suite à cette demande.

 

  • L’effet principal de la protection est la responsabilité du propriétaire de l’objet meuble ou immeuble et donc l’obligation de sa conservation et son entretien. Tous les objets classés sont par ailleurs déclarés imprescriptibles et ne peuvent faire l’objet d’une exportation définitive. De plus, les déplacements des objets mobiliers classés et inscrits sont soumis à une déclaration préalable, même sans changement de propriétaire.
  • Ceux classés appartenant à l’État sont inaliénables mais les établissements publics et collectivités peuvent aliéner leurs biens toutefois après autorisation du préfet de Région et uniquement à une autre personne publique.
  • Les avantages de ces procédures sont l’obtention de subventions pour des projets liés à l'étude, à l'entretien, à la réparation et à la restauration d'immeubles, d'objets mobiliers ainsi que des dispositifs fiscaux.
  • L’atlas des patrimoines vous permet de visualiser grâce à un accès cartographique l’ensemble des données liées aux immeubles ou objets classés de votre région :

http://atlas.patrimoines.culture.fr/atlas/trunk/

Clochette des trépassés, un objet en voie de disparition

  • Postérieurement à d’autres objets mobiliers conservés dans l’église paroissiale de la commune de Bourdon, une clochette, vraisemblablement fondue vers 1730, est donc inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté préfectoral du 4 juillet 1985.
  • Typique de son genre, cette clochette, intégralement en bronze dotée d'une poignée caractéristique en losange, fut retrouvée dans la sacristie de l’église de Bourdon en 1983 ou 1984 lors d’une visite de contrôle de M. Jacques Foucart, conservateur des Antiquités et Objets d’Art, service départemental chargé de la protection et de la prise en dépôt si nécessaire, des objets mobiliers présents dans le département, notamment conservés par les communes.
  • Typique, elle l’est car, encore au XIXsiècle, dans bon nombre de villages de Picardie, un clocheteur agitait ce genre de clochette dans les rues afin d’annoncer un décès ou un enterrement, d’où l’appellation « des trépassés ». Ce rôle était dévolu à un des membres des Confréries de charité, autrefois très florissantes.
  • Il pouvait toutefois exister, deux clocheteurs, un de nuit et un de jour, l’un étant désigné par les échevins de la commune s’il existait une commune et le second par la Confrérie de charité. Le premier avait pour rôle d’inviter aux prières à destination des défunts, tandis que le second annonçait les funérailles et précédait les convois d’enterrement.
  • La clochette de Bourdon est ornée de deux grandes fleur de lys et d’un médaillon circulaire portant en légende autour d’une couronne royale le nom du fondeur, Jacques Bur.. et. Il s’agit vraisemblablement de Jacques Buret, fondeur à Rouen, et auteur de deux clochettes de ce type commandées par la confrérie de Saint-Valéry-sur-Somme.
  • Ces clochettes posent problème au vu de leur facilité de disparition. D’ailleurs, peu sont encore présentes dans les églises paroissiales et ce malgré l’attestation de leurs existences jadis. La clochette de Bourdon reste à ce propos de nouveau introuvable par la mairie à la date d'aujourd'hui. Seuls nous restent donc l'arrêté d'inscription accompagné de la photographie en noir et blanc ci-contre.
  • Erratum : après échanges avec le service des Antiquités et Objets d'art du département de la Somme, il s'avère en réalité que cette clochette fut déposée par mesure de précaution au Trésor de la cathédrale d'Amiens.
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