04 - « Pour être studieux, solides, forts et vigoureux, buvez du lait. »

Que se cache-t-il derrière ce slogan des années 1950 clamé par Pierre Mendès-France ?

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  • Le document du mois d’avril 2025 est un programme d’emploi du lait et du sucre qui durent être distribués aux écoliers de la commune de Cavillon en 1955. Ce document fait partie de l’article coté CAV_DEP_5Q10. L’instrument de recherche dans le fonds d’archives communales déposé est consultable ici.
  • La valeur primaire de cette pièce est purement comptable et permet de justifier auprès de l’Éducation nationale des frais engagés par la commune pour l’achat de lait et de sucre en vue de se faire subventionner par l’État une partie de ces dépenses. Ce programme d’emploi, très administratif, vient justifier la pratique mise en place au sein de l’école de Cavillon en précisant l’heure de distribution, le type de lait sélectionné et surtout les modes d’administration : « le lait est bouilli et refroidi. Il est sucré dans des proportions convenables. » « Il est servi aux enfants dans des timbales personnelles ».
  • La valeur secondaire, ou historique, du document réside ailleurs. Cette pièce témoigne de la pratique de la distribution de lait dans les écoles instaurée par le gouvernement de Pierre-Mendès France à l’automne 1954 afin de lutter contre ce qui avait été identifié comme des états de carence et de malnutrition mais également contre l’alcoolisme. Il reste effectivement courant de donner des boissons alcoolisés aux enfants à cette époque.
  • Les raisons sous-tendant la mise en place de cette politique semblent objectives et plutôt bien intentionnées dans un contexte encore marqué par les rationnements alimentaires subis par les Français entre 1940 et 1949. Les règlements européens, des années 1976, 1983, 1993 ou 2000 ont accentué, réaffirmé, la nécessité de mise en place par les états membres de politiques alimentaires de ce type.
  • Mais cette politique fut détournée de ses objectifs initiaux en raison de la distribution simultanée d’autres aliments, souvent très sucrés comme des viennoiseries, biscuits ou gâteaux dans les années 1990. La collation de 10h dont l’essence même découle du décret de 1954 apparut alors comme inadaptée et superflue.

 

  • Par ailleurs, à la fin des années 1980, des campagnes médiatiques autour de la nécessité de prendre un petit-déjeuner ont vu le jour et fut même instaurée dans les écoles la journée du petit déjeuner reposant sur l’idée tenace que les Français ne prendraient pas de petit déjeuner. Ces campagnes de communication furent soutenues et portées par les industries agro alimentaires, productrices de céréales et d’autres produits sucrés.
  • Ces constats ont amené les établissements scolaires à rationaliser la collation dans les écoles maternelles et à travailler non plus simplement autour des enjeux nutritionnels mais également autour du goût de la convivialité du plaisir du partage. De plus, la plage horaire initiale posant problème car favorisant les risques d’obésité, les ateliers propres à l’alimentation se sont déplacés vers d’autres moments de la journée.
  • L’opinion commune a été formatée par l’idée que le lait est indispensable à notre organisme, indispensable à la bonne solidité de notre système osseux. Le programme de 1954 n’y est pas pour rien et l’assaut publicitaire des industriels du secteur non plus. Toutefois, d’un point de vue physiologique, notre corps arrête de générer la lactase, l’enzyme capable d’assimiler le lactose, le sucre du lait, une fois notre sevrage effectué (entre 3 et 6 ans). Si la majorité des européens ne sont pas intolérants au lait de vache il n’en va pas de même en Asie ou en Amérique du Sud. Les problèmes d’ostéoporose, entre autres, y sont beaucoup moins nombreux.
  • Quant au calcium, certes présent en grande quantité dans le lait de vache, il est également présent dans bon nombre d’autres aliments, aux impacts écologiques moindres et aux bénéfices pour la santé avérés comme certaines légumineuses, pois chiches, fèves, haricots, certains légumes, choux ou brocolis ou oléagineuses comme les amandes.
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